Je réflechissais ici, en 1990, au sujet de l’identité sexuelle et de cette phrase célèbre de Simone de Beauvoir, "On ne naît pas femme, on le devient", avec l'aide d'idées sur la question du genre venues de Christine Delphy, d’Hélène Cixous, et de l'influence d'un cours de Brown University sur la théorie littéraire féministe en Amérique. Ici on favorise la perspective "dramatistique", sans oublier pourtant le poids de l’Histoire. Et si la biologie y est pour bien peu, il faut avouer qu’il s’agissait de ma phase constructiviste... et du sujet proposé pour le commentaire.
Texte complet au SSRN:
On ne naît pas femme, on le devient
http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.432740
1 Pages Posted: 24 Jan 2023
Date Written: 1990
English Abstract: One Is Not Born a Woman, One Becomes a Woman)
This paper written in 1990 reflects on the subject of sexual identity and on this famous dictum by Simone de Beauvoir, "One is not born a woman, one becomes a woman" - with the help of ideas on the issue of gender coming from Christine Delphy, Hélène Cixous, and the influence of a Brown University course on American feminist literary theory. The 'dramatistic' perspective on the question of gender is favored here, with due acknowledgement however of the weight of History. Biological issues are not prominent here, due no doubt to a constructivist phase in my thought - and to the topic proposed for commentary.
Note: Downloadable document is in French.
Keywords: Gender, Identity, Sexual difference, Women, Women's studies, Identity,
Suggested Citation:
SSRN eJournal Classifications | |||
PRN Subject Matter eJournals![]() Social & Political Philosophy eJournal - CMBO ![]() PRN: Race, Gender, Disability (Topic) - CMBO
|
|||
PRN Subject Matter eJournals![]() |
|||
PsychRN Subject Matter eJournals![]() ![]() |
|||
PsychRN Subject Matter eJournals![]() ![]() |
|||
WGSRN Subject Matter eJournals![]() |
|||
WGSRN Subject Matter eJournals![]() |
|||
WGSRN Subject Matter eJournals![]() Women & Psychology eJournal - CMBO ![]() WGSRN: Developmental (Topic) - CMBO
|
|||
WGSRN Subject Matter eJournals![]() Feminist Theory & Philosophy eJournal - CMBO ![]() WGSRN: Feminist Philosophy (Topic) - CMBO ![]() WGSRN: Other Feminist Philosophy (Sub-Topic) - CMBO
|
|||
Also here:
_____. "On ne naît pas femme, on le devient." 1990. In García Landa, Vanity Fea 26 May 2007. http://garciala.blogia.com/2007/052601-on-ne-nait-pas-femme-on-le-devient.php 2007 DISCONTINUED 2020 https://garciala.blogia.com/2007/052601-on-ne-na-t-pas-femme-on-le-devient.php 2023 _____. "On ne naît pas femme, on le devient (One Is Not Born a Woman, One Becomes a Woman)." SSRN 24 Jan. 2023.* http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.4327408 https://ssrn.com/abstract=4327408 2022 Social & Political Philosophy eJournal 24 Jan. 2023.* https://www.ssrn.com/link/Social-Political-Philosophy.html 2025 Social & Personality Psychology eJournal 24 Jan. 2023.* https://www.ssrn.com/link/Social-Personality-Psychology.html 2025 Health Psychology eJournal 24 Jan. 2023.* https://www.ssrn.com/link/Health-Psychology.html 2025 Feminist Theory & Philosophy eJournal 24 Jan. 2023.* https://www.ssrn.com/link/Feminist-Theory-Philosophy.html 2025 Sexuality & Gender Studies eJournal 24 Jan. 2023.* https://www.ssrn.com/link/Sexuality-Gender-Studies.html 2025 Women & Psychology eJournal 24 Jan. 2023.* https://www.ssrn.com/link/Women-Psychology.html 2025 _____. "On ne naît pas femme, on le devient (One Is Not Born a Woman, One Becomes a Woman)." ResearchGate 15 July 2024.* https://www.researchgate.net/publication/367550262 2024 _____. "On ne naît pas femme, on le devient." Net Sight de José Angel García Landa 20 Jan. 2025.* https://personal.unizar.es/garciala/publicaciones/onnenait.pdf 2025 |
|||
_____. "On ne naît pas femme, on le devient." In García Landa, Vanity Fea 12 Aug. 2025.* https://blogdenotasvanityfea.blogspot.com/2025/08/on-ne-nait-pas-femme-on-le-devient.html 2025 https://x.com/JoseAngelGLanda/status/1955300382583759326 2025 |
On ne naît pas femme, on le devient

(Je viens de tomber sur cette
pièce de rédaction que j’ai écrite pour mes cours de français—vers 1990 à
peu près—au sujet de l’identité sexuelle et de cette phrase de Simone
de Beauvoir, "On ne naît pas femme, on le devient". On y reconnaît des
idées venues de Christine Delphy, d’Hélène Cixous—à côté des miennes,
j’espère!... Je revenais tout juste de mes cours sur la critique
littéraire féministe en Amérique. J’aime bien la perspective
"dramatistique", sans oublier pourtant le poids de l’Histoire. Et si la
biologie y est pour bien peu, il faut avouer qu’il s’agissait de ma
phase constructiviste... et du sujet du commentaire.)
Peut-être conviendrait-il d’utiliser les termes "sexe" et "genre" comme
certaines féministes le font, empruntant ce dernier terme à la grammaire
pour désigner d’une part la différence physique entre le mâle et la
femelle, et de l’autre la différence entre les rôles sociaux reservés
aux individus sur la base de leur sexe. Évidemment, on naît avec un
sexe. Et l’on acquiert un genre. Cette acquisition devrait se
comprendre non pas comme une métamorphose, un procès qui commence et
s’achève à un moment donné, ou une transformation qui part de A pour
arriver en B, mais justement comme un devenir, une évolution sans étapes
et sans fin—c’est à dire, sans autre fin que la mort.
Ce "devenir femme" consiste à participer dans la société en adoptant le rôle de femme: parler, bouger, s’habiller, se maquiller comme une femme, entrer dans des rapports sociaux réservés aux femmes, se présenter devant les hommes comme une femme, et enfin, penser comme une femme. Comme chez les acteurs, ce rôle peut devenir une vieille pièce qu’on répète automatiquement, mais il change aussi dans une certaine mesure: ce n’est pas la même chose d’être femme aujourd’hui et il y a trente ans, et ce n’est pas le même d’etre une petite fille ou une vieille femme. On définit toujours le rôle en le répétant.
Le rôle de la femme a toujours été beaucoup plus spécifique que celui
de l’homme. Dans notre culture européenne traditionnelle, l’homme est
le centre de l’ensemble social, et la femme ne peut occuper qu’une
position périphérique, exercer un pouvoir limité. Et si on cherche les
racines de la différence là où l’on trouve la plupart des racines, dans
les intérêts économiques ou dans la volonté de pouvoir, le doute surgit
aussitôt. On est tenté de voir dans la femme telle qu’on l’entend
depuis toujours une invention de l’homme, un rôle secondaire qui est le
résultat d’un type de relation de pouvoir. C’est à dire, une classe
sociale, la classe chargée de faire le travail qui ne compte pas comme
travail, le travail hors du marché de travail et hors de la
considération de cette économie politique où l’on défine l’exploitation
laborale comme l’exploitation de l’homme par l’homme, sans sourciller.
La femme telle que nous la connaissons est donc, dans une certaine
mesure, le résidu de l’économie familiale, patriarcale, qui était
l’économie tout court avant l’arrivée du féodalisme et du capitalisme.
Aujourd’hui ce type de relation économique patriarcale perd
du terrain. Hors de l’économie campagnarde, où le travail de la maison
et le travail de la ferme se confondent, l’économie moderne est
médiatisée par l’argent, elle ne repose plus sur des relations de
dépendance familiale. Il y a là sans doute l’autre côté de la
"libération" laborale de la femme: dans le système capitaliste on ne
peut plus utiliser pleine force le travail de la femme si elle reste
chez soi; qu’elle sorte, alors. Mais le capitalisme, qui a dissout les
relations personnelles du féodalisme, dissout aussi la famille et ses
relations de pouvoir; c’est le procès que nous sommes en train de vivre.
Mais si la femme telle que nous la connaissons n’est que le résultat du
système patriarcal, on passe vite à la conclusion qu’il ne faut pas
être femme, que la femme est une position sociale périmée, qu’au moins
certains des individus que nous nommons "femmes" échappent en réalité à
cette classification, et n’entraînent leur condition de femmes que comme
une amalgame de traditions, habitudes, formes de relation et attitudes
disparates, qui ne forment plus un système organique, qui ne sont qu’une
coque vide dont le noyau n’est plus? N’est-ce pas là une autre façon
de dire qu’il faut tout simplement que les femmes se libèrent de la
femme qui est en elles? Que le projet du féminisme devrait être de
supprimer les femmes?
Ce serait là une interprétation
superficielle de la réalité de la différence des sexes, et qui, en plus,
est en complicité avec ce qu’elle veut critiquer. L’idéologie
traditionnelle, on le sait, s’efforce de démontrer que l’homme est un
terme neutre, et la femme un terme marqué. Négativement, si possible.
Dieu crée l’homme, et ce n’est qu’àprès coup qu’Il ("Il") crée la femme,
comme une dérivation de l’homme. Dans la Genèse il n’y a pas
d’androgynie avant l’apparition d’une polarité des sexes: Adam n’est pas
moins Adam avant la création d’Eve. L’homme n’est pas là une des
moitiés: il est, malgré une apparence trompeuse, le tout, le cercle
complet. On comprend l’ahurissement d’Adam devant Eve, devant cet être
qui devait définir une polarité avec son apparition, mais qui ne fait
que confirmer qu’un des pôles est à la fois le tout et une partie. La
femme comme exception, comme déviation, comme rétrécissement des plus
larges possibilités de l’humain, comme simulation de l’humanité enfin.
C’est là une prémisse insidieuse; elle se glisse partout où l’homme
pense. Qui, l’homme? La langue elle-même nous pousse dans cette
direction. Il faut prendre garde et ne pas réduire à l’homme les
possibilités humaines.
L’homme est en effet un curieux animal
lui aussi. Nous apprenons notre rôle tout comme les femmes, et même si
les possibilités offertes au sexe masculin ont toujours été plus larges
il serait naïf de croire que tous les chemins lui sont ouverts. L’homme
rêve d’être le terme neutre, n’empêche qu’il ne peut pas l’être.
L’analyse structurale est formelle: si l’homme et la femme occupent des
positions structurales différentes, la perspective de la femme est close
à l’homme, et vice versa. L’homme, en tant que position pour le sujet,
est aussi défini d’une façon différentielle. Sans les femmes, les
hommes ne seraient pas tels qu’ils sont; et il faut ne pas oublier qu’on
ne naît pas homme non plus, qu’on le devient. On devient femme ou
homme en même temps qu’on devient Français, Basque, Japonais ou
Tarahumara, dans le sein d’une culture spécifique qui investit ces
termes "femme" et "homme" de ses propres valeurs, une culture qui leur
donne un sens concret, sans quoi ce seraient des formes vides.
Et
tout comme les différences culturelles sont à la fois un mal (à cause
des tensions, des guerres, du colonialisme qui en résultent) et une
richesse, qui permet à chaque culture retrouver son autre et élargir
l’horizon de ses possibilités, de la même façon il y a du bien et du
mal à la différence des rôles sexuels. L’expérience humaine possible en
est élargie, et le monde qui s’annonce au loin, un monde avec rien que
des êtres humains, risque d’être un peu morne après notre monde plein
d’hommes et de femmes. Nous avons été marqués par la polarité de la
différence des sexes, et nous ne pouvons trouver là qu’une source
d’ambivalence sans solution univoque possible.
—oOo—
No hay comentarios:
Publicar un comentario